Jean-Clet Martin > Cheminement et configurations des formes

Par où passent les constitutions des formes ? Et comment projetons nous des figures ?
Qu’est-ce qui insiste, persiste et consiste ? Qu’est-ce qui fait histoire ?
« Les formes errent, s’emparent de la matière qu’elles absorbent et traversent, y laissent leur empreinte pour se prolonger de manière durable dans des figures qui les figent mais encore dans des milieux qui les déforment. En elles, les animaux, les machines et les hommes se rencontrent et se croisent pour des alliances qui élaborent un autre monde mais sans doute pour une même terre. », dit Jean-Clet Martin.
En traversant des pensées philosophiques et en citant des oeuvres d’art, nous situerons ces questionnements esthétiques dans leur relation au contexte contemporain. Et l’on abordera la nécesssité d’objets et de figures consistantes dans un monde de marchandises de subsistance, en faisant l' »éloge de l’inconsommable ».

Jean-Clet Martin est philosophe et ex-directeur de programme au Collège International de Philosophie à Paris. Il mène une réflexion sur la corporéité et la formation des figures marquantes de diverses époques.

Dernières publications :
Eloge de l’inconsommable, 2006, Ed.de l’Eclat
La philosophie de Gilles Deleuze, 2005, Ed. Payot
Figures des temps contemporains, 2001, Ed.Kimé
L’image virtuelle, 1996, Ed. Kimé

 

 

Extrait de la conférence de Jean-Clet Martin :

« Il est crucial de dénouer la sensation de cette émotion très romantique qui l’avait déposée au cœur de l’impression. Nos impressions ne sont pas nécessairement en jeu dans ce que nous qualifions, depuis Deleuze, de « logique de la sensation ». Et d’une certaine manière, il ne serait pas faux de supposer que les sensations sont déjà dans les couleurs. Delacroix avait puissamment compris que les couleurs ne sont pas seulement du ressort d’un mélange chimique. Ce n’est pas tellement l’objet qui donne la couleur, ni la palette, ni les mélanges de tons. Mais ce n’est pas davantage l’intériorité romantique de ce qui est éprouvé dans le sujet. « Logique de la sensation » veut dire que les couleurs sont redevables d’une logique propre, sensible pour elle-même. Il faut sans doute prendre un exemple pour le comprendre : au-delà des couleurs primaires et secondaires, de leur chimie objectale et du mélange qui les chosifie, il nous paraît indispensable de noter qu’avec Delacroix, les couleurs se complètent sur un tout autre plan que celui de la palette. Mettre une quantité de vert à côté du rouge, cela fera plus vert et plus rouge, comme si, par l’opération de ce contraste, les couleurs s’affectaient d’elles-mêmes et presque sans nous. Un effet incorporel puissamment recherché par Van Gogh au niveau du ton rompu en juxtaposant des petites touches de couleur martelées selon leur degré d’affinité interne, élective. C’est cette affection des couleurs entre-elles qui fait sensation. On dirait qu’elles se sentent, qu’elles produisent un voisinage, un champ qui leur appartient : une sensation qui définira une forme comme le comprendra Delaunay par l’expérience des disques colorés. Il y a un rythme de la couleur, une formalisation qui ne doit rien aux émotions mais à une logique très précise impliquant qu’elles s’affectent mutuellement dans une ordonnance que le peintre a en vue -bien mieux qu’un modèle- lorsqu’il peint. A moins que par modèle on cesse d’entendre l’exemple à illustrer et que le modèle sorte de l’atelier pour devenir modulaire et séquentiel, au sens du vitrail découvert par Delaunay dans la série des tableaux consacrée à la basilique Saint Séverin. »

Page personnelle de Jean-Clet Martin : http://j22m.club.fr/jcletmartin/plaquette03_1.html

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